Une signature : le doigt de Léonard.
Dans de nombreuses œuvres, l’artiste a montré ses personnages pointant un doigt levé, l’index,
souvent vers le ciel. Plusieurs interprétations sont possibles.
Nous sommes fin XVè, début XVIè siècle, et l’Italie est le berceau d’un mouvement qui révolutionna tous les arts : la Renaissance. Le savoir allait se diffuser grâce à l’invention récente de l’imprimerie, les dogmes allaient être remis en question grâce aux découvertes de différents scientifiques, appelés plutôt à mourir pour hérésie qu’encensé pour grands savoirs !
C’est à cette époque que l’on vient de redécouvrir les écrits des philosophes antiques, après la chute de Constantinople et la fuite en Italie de nombreux érudits arabes. Le monde allait connaître les prémices du siècle des lumières, Léonard était un précurseur en la matière.
Dans ces textes grecs antiques, il en est un dont Léonard se sera certainement inspiré :
Hermès Trismégique. Dans ces textes, il est dit que “Tout ce qui est en haut est en bas”... et inversement.
En regardant certains de ces tableaux, comme ci-dessus, Bacchus et la Vierge aux Rochers,
nous y voyons, au premier plan, une abîme, la terre, telle la caverne de Platon.
Léonard n’avait pas pu étudier le grec n’ayant accès aux études par son illégitimité, et du attendre les premières traductions.
Avec ses gestes précis et volontaires, il nous raconte une histoire, probablement celle de la création,
peut-être celle de la venue du Christ ? Probablement une allusion, une allégorie comme il savait si bien le faire.
Il nous invite à écouter un message de là haut, comme si ce doigt était plus important que le personnage lui-même, il s’efface au profit du néant, du non-être.
De nombreuses études de Léonard comportent ce geste, comme les premiers essais sur la Sainte Anne ou La Vierge aux Rochers.
Dans la Cène également, l’un des personnages, Saint Thomas, lève l’index vers le ciel à la gauche du Christ. La Cène représente le dernier repas du Christ. 12 personnages en 4 groupes de 3 (tiens, 4×3, comme les 12 signes zodiacaux…et tant d’autres, un chiffre magique!). Ce n’est pas étonnant que le sujet de l’un des plus grands succès du cinéma , tiré du best-seller le Da Vinci Code, ait été inspiré par les œuvres de Léonard : mystères, secrets cachés, images dans les images, Léonard raffolait de symbolique, comme par exemple la fleur d’ancolie présente dans la plupart de ses tableaux. Rien n’est plus prenant que de rentrer dans l’esprit d’un maître que tous les champs de la création intéressaient.
Léonard captait et peignait les mouvements de l’âme. Il nous émeut parce que ses créations nous parlent au plus profond de notre âme, nous élèvent spirituellement.
N’oublions jamais que Léonard était totalement ambidextre et que jouer sur les symétries, les ambivalences était sa signature principale. Génie de l’observation, de la synthétisation et de la concrétisation picturale, il arrivait à transformer un être terrestre en être céleste. Et cet index pointé donne une autre dimension à ses œuvres. Il cherchait le divin, le sacré, dans la science, dans les vérités.
Pour les croyants, il était le peintre du Saint Esprit, pour les non-croyants, le peintre de l’esprit.
Détails : Saint-Jean en attributs de Bacchus, la Vierge aux rochers, Saint-Jean Baptiste, et la Cène.
Je vous laisse imaginer toutes les autres différentes interprétations de ce geste, que l’on retrouve quelques années plus tard chez Raphaël, dans son tableau “l’École d’Athènes”.
Léonard y est représenté en Platon, le Timée sous le bras. Et devinez, l’index pointant vers le ciel..!

Détail de la Chapelle Sixtine :
le dernier jugement – Michel-Ange – 1537-1541

Détail de l’École d’Athènes – Raphaël – 1509
Michel-Ange peignait son Jugement Dernier plus de 10 ans après la mort de Léonard. Et ce geste se retrouve encore… mais ce n’est probablement qu’un hasard.
Le sourire léonardesque
Le plus troublant dans les œuvres de Léonard, le sourire. Que ce soit celui de la Sainte Anne, de la Vierge, de Mona Lisa, de Bacchus, de Saint Jean Baptiste, et je pourrais continuer, ce sourire énigmatique intrigue depuis plus de 5 siècles.
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Regardez-les, des sourires androgynes, sourires esquissés mais suffisamment présents pour inquiéter.
Car effectivement, il est le même chez les femmes et chez les hommes de Léonard.
Cette androgynie ne peut que contribuer au trouble que nous avons en regardant ces chefs d’œuvres.
Nous y sommes forcément sensible. Le biographe Vasary avait écrit que Léonard était un homme d’un charme, d’un charisme, d’une énergie hors du commun.
Tous ces visages nous touchent aussi au plus profond de notre être : Léonard invitait ses spectateurs à penser que la foi était peut-être aussi dans l’homme, plus seulement en Dieu.
(à suivre prochainement, l’art anatomique de Léonard)