Compositions imbriquées des jambes, des bras…

Encore plus frappant depuis sa restauration, (très discutable par ailleurs…) le tableau intitulé
La Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant est l’exemple-même d’une œuvre “léonardesque”,
où se cachent une multitude de détails à découvrir avec le temps.

Car il faut du temps pour observer ce tableau.

Sa restauration récente a permis d’intensifier certaines couleurs, et en particulier le drapé bleu
de la Vierge
.

Dans la composition de ce tableau, les positions des jambes des 2 femmes sont si imbriquées,
qu’elles pourraient aussi bien appartenir à l’une qu’à l’autre… (encore plus évident sur ce dessin du carton conservé à Burlington-House et présentant des esquisses du tableau)

SainteAnneCarton_de_Burlington_House
Le bras droit de la Vierge pourrait aussi être celui de la sainte Anne… et ce sourire, toujours énigmatique, comme celui de La Joconde.

Sourire léonardesque, comme l’avait surnommé Freud.

La présence d’un rapace

Car parmi les auteurs célèbres ayant traité de cette œuvre, Sigmund Freud.
Son ouvrage : « Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci » aborde, entre autre, la présence, d’un symbole d’une richesse incroyable : le vautour. Il se base sur la découverte d’Oskar Pfister en 1919.

Certes, au premier abord, aucun rapace à l’horizon..mais regardez bien, regardez, comme disait Léonard, dans les tâches de couleur, les drapés, les formes secondaires…

Ci-dessous, j’ai tourné le tableau de 90° à gauche et mis en évidence cet oiseau..
Vue de l’esprit ? Je pense que si Freud s’y est penché, je ne suis pas la seule à y voir ce “souvenir d’enfance”, ce rêve que Léonard lui-même a décrit dans ses codex.SainteAnne2

SainteAnne1

Quel était donc ce rêve, ce souvenir d’enfance?

Léonard se souvient que petit, alors qu’il dormait dans son berceau, un oiseau, un rapace (vautour ou milan, le débat est toujours d’actualité!) vint se poser et frapper sa lèvre de sa queue. Or, en y regardant de plus près, c’est effectivement la queue du rapace qui touche l’enfant Jésus. De là à penser que Léonard se prenait pour …non, pas de raccourci, c’est bien plus compliqué que cela.

Il faut connaître l’enfance, la vie de Léonard pour déchiffrer ce rêve et Freud y est parvenu.

La psychanalyse reconnaît dans une œuvre la production de l’inconscient de l’Artiste. Cela donne bien plus d’indices sur la vie de celui-ci que toutes les biographies même très détaillées. Freud s’est arrêté sur le sourire énigmatique qui est une des spécificités de Léonard.
D’après lui, c’est après sa rencontre avec le modèle supposé de la Joconde, Mona Lisa del Giocondo, que ce sourire est apparu sur ses œuvres.

Et il ne les quittera plus. Que ce soit homme ou femme, ce sourire est omniprésent.

St-jean-baptiste

Le sourire de Saint-Jean Baptiste ci-dessus, celui de Bacchus à côté.

bacchus

Une autre singularité, le doigt pointé, que l’on retrouve également dans un grand nombre de dessins de Léonard. (Voir autre article sur le doigt levé et le sourire).

Revenons à la Sainte Anne et sa symbolique.

Ce rapace, qu’il soit un milan ou un vautour, est symbole de maternité avant-tout. Or ce tableau présente une double maternité, qui, d’après Freud, a probablement son origine dans le manque d’amour maternel dont a souffert Léonard dès sa première enfance. Il a voulu rendre compte de la précarité de la création humaine qui repose sur des passions, dont le sens échappe à l’Artiste !

L’art, comme recherche de l’objet perdu (l’amour de sa mère)
La souffrance engendre la création, et cela se vérifie chez bons nombres d’Artistes dans tous les domaines.

Léonard n’a pas échappé à cette règle et Freud va encore plus loin en affirmant que le génie de cet homme n’est du qu’à une succession de “hasards”…